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Festival Horizons Décalés

4e édition les 7, 8 et 9 Juin 2013

À Verquières, petite ville de Provence entre St Rémy et Cavaillon, nous avons retrouvé Alain Comoli et Patrick Coindre de l’association voyageuse Handivers Horizons. Nous parlions de cinéma ensemble dans le dossier du mois de mars en évoquant déjà le Festival Horizons Décalés.

Aujourd’hui l’équipe est prête et bat son plein, un concert en guise d’apéritif a lancé le festival le 18 mai.
Dans quelques jours, les 7, 8 et 9 juin c’est le grand week-end, le moment fort.

Parrainé par Pascal Duquenne, ce sont quelque 25 évènements multiculturels, des artistes « autrement » valides ou des œuvres portant un regard nouveau sur le handicap qui nous attendent.

Festival Horizons Décalés

Handimarseille : Bonjour, pouvez-vous vous présenter et présenter le festival Horizons Décalés ?

Alain Comoli : Je suis Alain Comoli, je suis atteint de myopathie depuis la naissance et je milite depuis longtemps dans le milieu associatif et « handicapiste » on va dire.

L’association Handivers Horizons, puisque c’est elle qui produit ce Festival Horizons décalés, a été créée il y a 6 ans parce que j’avais envie de faire partager mes voyages à d’autres personnes handicapées.
Notre but, promouvoir la culture, les loisirs et les voyages pour, par et avec les personnes handicapées, quel que soit leur handicap. C’est donc naturellement qu’on a créé ce festival en 2010. Il y a déjà eu trois éditions, cette année c’est la quatrième.

H : Quel est l’objectif du festival ?

Alain Comoli : C’est de promouvoir des artistes « autrement valides », ou des œuvres ayant un regard sur le handicap. Pour tous les artistes c’est difficile de se promouvoir, d’avoir une scène, d’avoir des dates, mais c’est d’autant plus difficile de se produire je pense quand on a un handicap. C’est le but du festival de produire, de montrer des artistes handicapés.

H : Est-ce que des rencontres culturelles lors de vos voyages viennent enrichir la programmation du festival ?

Alain Comoli : Pour le premier festival par exemple on a passé un petit court-métrage que j’avais réalisé modestement sur des images de voyages que l’on avait organisés. L’année dernière on a passé un diaporama de photos de voyages. Mais sinon pas tellement. Peut-être que l’année prochaine, on va faire un thème handicap et voyages.

Après on a fait des rencontres d’artistes. L’année dernière on a passé un court-métrage avec Bruno Sans qui s’appelait Bruno et la force, il est voyageur-sportif, il a fait une virée aux États-Unis avec son hand-bike. Mais dans mes voyages perso non, parce que je rencontre peu de voyageurs handicapés.

H : Quels sont les événements prévus pour cette 4e édition ?

Alain Comoli : C’est un programme chargé.

Déjà on est très fier d’avoir Pascal Duquenne comme parrain, qui va exposer ses monotypes et présenter son livre Monotype, ainsi qu’une biographie écrite par Gilbert Serres, son coach.
On est content de l’avoir avec nous parce que c’est un artiste complet, il est peintre, on l’a vu sur scène danser, il fait du théâtre, il fait du cinéma. Et il joue aussi de la batterie, il jouera au cours d’un bœuf le samedi soir.

Il y aura quatre autres expositions. Baïa Ouzar qui exposera ses sculptures. Christian Rocher, il est de la région, c’est un photographe qui fait pas mal parler de lui en ce moment. Lucile Notin, on est très content d’exposer ses dessins, c’est une jeune artiste de 9 ans, les médecins se sont trompés ils disent qu’elle est « autiste ». Il y aura sa maman, Eugénie Bourdeau qui fait des courts-métrages, on en présentera deux, Un simple pas et Sa normalité un film sur sa fille.

On présentera Fauteuils en état de siège de Paul Samanos, un album de bédé qui a été primé en 2010 au festival Handi-Livres. Ses planches seront exposées.

Il y a des concerts : ambiance guinguette pour débuter le vendredi soir et du reggae et du jazz Manouche le samedi soir.

Il y a huit courts-métrages. [1]

Il y aura un conte de Thierry Tournier sur l’histoire de La Joelette contée d’une manière poétique. Il y aura La petite fille à la jambe de bois, c’est une pièce, une création bilingue en langues des signes.

Il y aura deux spectacles de danse. Regarde-moi par la compagnie Colette Priou et Fly.

On a l’habitude de consacrer le dimanche à un débat, cette année ça sera sur le thème création et handicap mental. Il y a cinq courts-métrages sur ce thème et après on fera un débat avec Pascal Duquenne et son accompagnateur, avec Eugénie Bourdeau et une art-thérapeute.

Et enfin il y a la pièce de Patrick Coindre Nemo ou la terrasse des paumés créée pour le festival, la première représentation sera en ouverture de ce grand week-end.

Voilà, ça fait quand même 25 événements, arts plastiques, expos, théâtre, concerts, cinéma, danse... On essaye de s’affirmer pour être un festival de référence au niveau national, pour présenter la culture « handi », si jamais ça veut dire quelque chose.

Patrick Coindre : Et par le choix des parrains et des œuvres présentés, on a une tendance à développer à l’international, toute modestie gardée, mais le but c’est d’ouvrir les frontières, pas que celles du handicap. On aime bien dépasser les frontières.

Alain Comoli : On peut aussi préciser que c’est un festival avec des artistes « autrement valides », mais on va dire pas n’importe lesquels. C’est-à-dire que l’on ne va pas accepter une personne handicapée qui fait de la peinture sur soie le dimanche, ce n’est pas pour dénigrer mais on veut de la qualité, que ce soit le moteur de leur vie et s’ils ne sont pas reconnus encore en tout cas qui gagneraient à l’être.

Patrick Coindre : On reçoit des artistes qui ont une différence, mais d’abord des artistes.

H : Quel est le type de public présent ?

Alain Comoli : Il y a une partie du public qui est handicapé et qui est intéressé par le thème, surtout lors du débat du dimanche qui est peut-être un peu plus technique. Il y a des gens du coin, des gens de Verquières un petit peu. Des jeunes pour les concerts du samedi soir surtout. Des gens qui sont intéressés par la culture et qui n’ont pas peur d’être un peu bouleversé dans leurs repères, dans leurs schémas. Voilà c’est le genre de public qu’on touche et qu’on voudrait toucher davantage lors des prochaines éditions.

Patrick Coindre : On peut noter aussi que comme les spectacles proposés et les expositions sont de qualités il y a un bouche-à-oreille qui se fait lentement mais qui fait son travail.

Alain Comoli : : Et on a vraiment envie que ce festival s’ouvre à tous les publics et à tous les handicaps aussi. Les éditions précédentes n’étaient pas suffisamment accessibles aux personnes non voyantes et aux personnes sourdes, même s’il y a eu des choses de faites.
Cette année c’est notre souci. On a envie que tous les films soient sous-titrés et audio-décrits et qu’un interprète traduise le débat.
On veut que le festival soit accessible au plus grand nombre. Et il est déjà accessible au niveau du tarif puisque la place pour l’ensemble du festival est à 12 euros, pour les soirées seules c’est 5 euros, et c’est gratuit pour les enfants de moins de huit ans et les accompagnateurs de personnes handicapées.

Patrick Coindre : C’est accessible aussi de par le lieu puisque c’est une grande salle, on peut accueillir beaucoup de monde sans problème. C’est accessible aux personnes à mobilité réduite. Et il y a un grand parking.

Et puis on a fait une communication tous azimuts en disant que ça touchait tous les publics. On a aussi fait une communication spécifique envers le public ayant un handicap et vers les instituts. Ils peuvent venir en groupe, on peut les accueillir et on a essayé d’adapter nos horaires aux leurs. L’an dernier le débat était un peu tard et des personnes ont dû partir avant la fin alors qu’elles étaient intéressées par le sujet. Cette année il se fera plus tôt.

Alain Comoli : On peut dire aussi que c’est un festival particulier parce que ça reste encore humain et convivial, les artistes sont là dans la salle, il y a vraiment un échange, entre le public handicapé ou non et entre les artistes handicapés ou non, parce qu’on n’est pas non plus des ayatollahs du handicap, c’est juste ce qui nous rassemble.

H : Quelle est la fréquentation ?

Alain Comoli : Alors on a déjà fait 3 festivals, il paraît que pour qu’un festival commence à marcher un peu et que les gens viennent vraiment il faut un certain nombre d’années.
Là on va dire que l’on est dans notre jeunesse. On ne peut pas dire que l’on a encore une grosse fréquentation, mais quand même ça augmente d’année en année, c’est positif. Et cette année on espère que ça va être un peu plus conséquent. Après c’est en milieu rural ce n’est pas facile de venir quand on n’est pas motorisé.

Patrick Coindre : Et puis les gens ne savent pas où ça se trouve, même les gens d’Avignon, on n’est pas loin mais pas sur les grands axes. Il y a de la communication à faire.

Alain Comoli : Et puis on commence à avoir une reconnaissance, au début on sollicitait les artistes pour qu’ils viennent, et maintenant on n’a pas besoin de ça, ils sont demandeurs.

H : Pensez-vous avoir aidé à changer le regard des gens sur le handicap ?

Alain Comoli : Je pense que oui, c’est sûr.

Patrick Coindre : J’en suis certain.

Alain Comoli : On a exposé par exemple un photographe non voyant, il nous a parlés de son travail et on a compris beaucoup de choses, sur lui, sur sa manière de faire des photos et aussi sur sa spécificité, sur ce qu’il a en plus que les personnes voyantes n’ont pas.

Parce que nous à Handivers Horizons on aime bien ça. « Handicap » ce n’est pas un mot terrible, on préfère dire « autrement valides » pour nos artistes.

Et surtout de souligner le fait que le handicap apporte quelque chose de plus, c’est quelque chose en plus. Moi, par exemple j’ai la chance d’être myopathe, par rapport à ma vie, ça me permet d’avoir plus de temps libre, et de faire tout ce dont j’ai envie. Pascal Duquenne, il est trisomique, il a un chromosome en plus, ce n’est pas quelque chose en moins, et cette spécificité-là ça apporte quelque chose quand il est sur scène, quand il dessine ou quand il danse.

Nous on insiste là-dessus et on fait changer le regard du public en disant et oui, on n’est pas moins, on est peut-être plus.

Patrick Coindre : Pareil au niveau des gens du village qui ne venait pas au début parce que le mot handicap faisait peur et puis quand ils ont vu ce qui se passait ils ont conseillé à tout le monde de venir, tout ça aide à changer les regards.

H : Le festival a été retenu cette année par Marseille Provence 2013, il fait partie de la programmation, qu’est-ce que la labellisation vous a apportée ?

Alain Comoli : Pour l’instant on peut dire une crédibilité, parce que ça ne s’est pas fait comme ça. MP13 a demandé à la Communauté d’agglomérations Rhône-Alpilles-Durance de choisir parmi les événements de la région ceux qui méritaient d’être soumis à MP13. On a été retenu par la mairie de Verquières. Ils nous soutiennent depuis le départ. Un petit peu au niveau financier mais c’est une petite commune et il n’y a pas beaucoup de moyens, mais au niveau technique ils nous prête la salle gratuitement, ils nous prête du matériel ; et au niveau moral aussi, c’est très important, ils nous font confiance, ils ont bien compris que c’était important dans un petit village comme Verquières d’avoir son festival.

Donc ce label ça va nous apporter un petit peu de com supplémentaire, on est dans le programme aussi de la communauté d’agglomérations, ils ont créé un petit livret pour l’occasion.

Crédibilité, visibilité. J’espère qu’il y aura des gens qui viendront en voyant le programme sur Marseille Provence 2013.

P.C : Et le fait d’être labellisé ça permet aussi à des journalistes réticents de franchir le pas et de nous accompagner.

H : Comment est financé le festival. Quels sont vos partenaires ?

Alain Comoli : Alors, un festival multiculturel en milieu rural, il faut savoir que ça ne rapporte pas de l’argent, ça coûte de l’argent. Cette année c’est un budget de 10 000 euros, ce n’est pas les entrées qui vont payer ça effectivement.
Les financements c’est le Conseil Général, Régional, la Mairie de Verquières, et maintenant les sponsors, on demande aux entreprises du coin d’être partenaires de ce festival, pour les impliquer un petit peu dedans, ça nous a permis de payer les flyers et les affiches l’année dernière. Cette année on a envie d’aller un peu plus loin et de contacter les entreprises de toute la communauté d’agglomérations, c’est une petite source de financement.
Et puis c’est les fonds même de l’association Handivers Horizons qui comble le reste, les voyages rapportent un peu d’argent et cet argent on le met dans le festival.
On peut parler de l’aide des bénévoles aussi, ça représente beaucoup.
Les artistes on les paye quand même, on leur demande pas de venir gratuitement, et puis on les loge, on les nourrit, tout ça c’est une grosse partie du budget.

Patrick Coindre : Mais il n’est pas illusoire de penser qu’à terme un jour le festival soit rentable, c’est simplement une question de fréquentation.

Alain Comoli : J’aimerais ajouter que l’on donne la parole et on parle de tous les handicaps, parce que même s’il y a une spécificité à chacun on pense que dans chaque handicap on a quand même des points communs importants. Contrairement à d’autres associations qui vont faire des voyages pour des personnes non voyantes ou pour des personnes en fauteuils roulants, nous on aime cette multiplicité parce que la somme des particularités ça crée de la richesse et de la vie.
Dans nos voyages, il y a des non voyants, des multi-handicap, des jeunes, des personnes âgées, des paraplégiques, des valides... c’est ça la richesse. Diversité et complémentarité.

P.C : Et si on a un message à faire passer en conclusion c’est Venez tous, ce festival est fait pour vous !

Voir en ligne : Programme du Festival


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