Adolescence et handicap, une transition délicate
Entrer dans l’adolescence c’est se confronter aux grandes questions de la vie. Qui suis-je ? Où vais-je ? Qu’est-ce que je veux ? Que puis-je espérer ? Comment me construire, forger mon identité propre ? Comment me faire accepter des autres ?
C’est le moment où l’on cherche sa place, dans la famille, avec ses amis, avec les autres, où l’on se démarque, on prend son autonomie. C’est aussi un moment de transformation du corps, de découverte de la sexualité.
Pour les jeunes en situation de handicap, cette période de construction de l"™identité est d’autant plus sensible et délicate qu’il va falloir faire face à l’acceptation de son handicap et de ce que cela impliquera dans sa vie d’adulte en terme d’autonomie et de d’intégration sociale.
Ce passage sera d’autant plus difficile si la réalité du handicap de l"™enfant a été reniée par l’entourage durant l’enfance. Comment un adolescent peut-il apprendre à accepter son handicap et l"™intégrer à sa propre personnalité si ses proches ne l"™ont pas accepté eux-mêmes ?
RELATION A SOI, RELATION AUX AUTRES
Ces jeunes vivent leur adolescence comme les autres adolescents de leur génération. Humeur variable, alternance entre activité importante et paresse, léthargie, alternance entre arrogance, mégalomanie, résistance à l"™autorité...sont d"™autant d"™attitudes identiques à leurs homologues valides. Malgré cela le handicap augmente son importance. Lors de l’adolescence, le regard des autres est primordial. Pour une personne en situation de handicap visible, assumer sa différence est loin d’être évident et cela peut être source d’un certain mal-être. L"™image de soi peut être durement entamée et devenir alors une source de dévalorisation, de doute, et tout cela ajoute parfois à la difficulté de pouvoir se confronter aux autres et de participer socialement à la vie quotidienne. L"™échange avec d"™autres adolescents du même âge est particulièrement important dans la période de la puberté. Les parents doivent faire confiance à leur enfant et le laisser inviter des amis ou se rendre chez d"™autres adolescents du même âge. Le fait de mettre son enfant dans une association sportive, culturelle ou de l"™intégrer dans les ULIS, peut être profitable. Les adolescents ont ainsi l"™occasion d"™y nouer des contacts et d"™apprendre à mieux se connaître. « Cette intégration en ULIS m"™a aidé car c"™était un autre regard sur le monde. Avant j"™étais dans un cocon...et je suis arrivé là et un nouveau monde s"™est offert à moi...c"™était la vie tout simplement, et moi, j"™avais envie de ça » explique Baptiste Schintu, qui étudie en ULIS 4 au sein du Collège Sylvain Menu à Marseille.
Une personne en situation de handicap, aura tendance à avoir deux sentiments, l’un serait l’envie de se faire plein d’amis, l’autre serait d’éviter toutes les relations pour ne pas souffrir, en considérant que tous les échecs relationnels, amicaux ou amoureux, sont liés à son handicap.
Il est important d’apprendre à mieux s’aimer, en acceptant ses imperfections et en les relativisant, en essayant de s’entourer de personnes aimantes qui vous apprécient, en cultivant des pensées positives et valorisantes sur soi ; en prenant soin de son image et de sa façon de s’habiller en fonction de sa personnalité.
À LA RECHERCHE DE LEUR AUTONOMIE
Quand on a un handicap, on est souvent obligé de demander de l’aide, même pour des choses ou des situations très intimes de la vie quotidienne. Cela peut donner l’impression qu’on dépend de quelqu’un parce qu’on n’arrive pas à se débrouiller tout seul. Il est important pour le jeune de pouvoir faire seul tout ce dont il est capable et de tester les limites de sa dépendance.
Un jeune en situation de handicap a la même envie de liberté qu’un autre adolescent. Il est primordial que les parents laissent de la liberté à leur enfant, le laisse sortir avec des amis ou utiliser les transports publics pour se rendre à l’école ou faire les courses. Il est donc important de lui faire confiance et de l"™encourager dans ce sens. Aujourd"™hui, presque tous les adolescents possèdent un téléphone portable. Cela n"™est pas toujours le cas des jeunes en situation de handicap. Il est pourtant essentiel de pouvoir se servir des moyens de communication modernes pour nouer les contacts et entretenir des amitiés.
PRISE DE DISTANCE DE L"™ENTOURAGE
Les enseignants, les amis, les éducateurs et les parents prennent leurs distances. La naà¯veté et le charme de l"™enfance disparaissent, l"™envie de cajoler et d"™étreindre leur progéniture diminuent également. Pour les adolescents, cette situation peut être ressentie comme une perte d"™affection. Ce processus difficilement supportable a une incidence sur l"™image qu"™ils ont d"™eux-mêmes et rend plus difficile une prise de conscience positive de leurs valeurs. Les parents devraient apprendre à "lâcher les baskets" de leurs enfants, sans pour autant les laisser tomber, car les adolescents souhaitent se débarrasser de la prévenance parfois exagérée de leurs parents, sans pour autant perdre l"™amour qu"™ils ont pour eux. Les habitudes de surprotection naturelle doivent laisser la place à plus de liberté afin de leur permettre de tester leurs capacités, de faire leurs preuves. « J"™ai touché à différents sports juste pour me prouver que j"™en étais capable parce qu"™on m"™avait toujours dit, fais pas ci ! Fais pas ça ! T"™as un handicap. Empêcher quelqu"™un de faire quelque chose, c"™est aussi lui créer des barrières qui peuvent aussi l"™handicaper » explique Marc sur un forum canadien concernant la prise de conscience de sa différence.
LE RAPPORT AU CORPS ET À LA SEXUALITÉ
Il est parfois bien difficile au jeune handicapé d’accepter son corps car il ne reflète pas exactement l’image du corps idéal. Cela peut être un parcours de longue haleine, qui ne se fera pas en un jour. C’est souvent dans la période de l’adolescence que la question se pose le plus car c’est à la fois le moment où le corps se transforme et où ont lieu les prises de conscience. Il est très important de parler de ses craintes à des personnes de confiance, de ne pas se replier sur soi.
La sexualité et la découverte du corps sont des étapes importantes. De ce fait, il serait faux de penser que l"™entrée dans la puberté signifie forcément premiers rapports sexuels. C"™est pourquoi, comme pour les adolescents ordinaires, un peu de prévention leur serait utile et les parents se doivent de poser les bonnes questions afin de l"™aider dans cette étape.
La plupart des adolescents font leurs premières expériences érotiques avec l"™autre sexe dans le "peer group" (groupe du même âge) et ici encore, les jeunes en situation de handicap sont désavantagés. Ils n"™ont que peu l"™occasion d"™être non-accompagnés avec d"™autres adolescents du même âge et ne présentent donc très souvent que peu d"™attraits pour les autres. « J"™ai une appréhension bien sà »r parce qu"™il y a le fauteuil, il y a tout ça, après pour les relations tout simplement amoureuses, ça va être compliqué mais je vais faire comme je fais à chaque fois, je vais faire avec et ça va rouler » dit Baptiste, alors que pour Damien, devenu paraplégique à l"™adolescence, à la suite d"™un accident de la route, cette situation s"™est vite écartée. « À 14 ans, tu as la découverte de la sexualité, les flirts, les filles et le fait d"™être en fauteuil, ça a un peu faussé la donne. Sur ça, ça a été dur donc j"™avais besoin d"™enchaîner les filles pour me prouver que j"™étais comme tout le monde. »
Un aspect du comportement des adolescents mentalement handicapés peut poser problème. En effet, ces jeunes peuvent avoir une attitude choquante concernant le sexe, car ils ont moins de pudeur et de retenue et expriment spontanément et directement leurs sentiments. L"™envie de toucher l"™autre est particulièrement prononcée chez les adolescents déficients mentaux. Puisque les mots leur manquent, c"™est par le langage du corps qu"™ils s"™expriment. Cette envie peut être alors ressentie par l"™autre comme de la familiarité mal placée ou être interprétée comme des avances. Comme toujours, en matière de sexualité humaine, les choses ne sont pas aussi simples, et la sexualité des adolescents en situation de handicap mental ne déroge pas à la règle. Pour eux, s"™ajoute le fait que leur déficience les place, eux et leur sexualité, sous les regards scrutateurs des adultes.
Ces adultes de demain se sont construits par le biais d"™un entourage plus ou moins proche, qui leur a permis de forger leur personnalité, leur a donné une certaine autonomie et c"™est à eux d"™en faire bon usage et d"™en perpétuer les rouages pour leur intégration et celle des générations futures. Quitter la sphère de l’enfance pour passer à la vie d’adulte, c"™est le désir de chacun d"™eux, mais chacun pour soi et chacun à sa manière.
Yoann Mattei
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