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Quand l’hôpital ouvre ses portes à la sophrologie

Éliane Lheureux, ouvre une fenêtre sur les médecines douces pour les patients du Service de soins palliatifs en oncologie médicale à l’hôpital de la Timone. Binôme indispensable d’Éric Dudoit, psycho-oncologue, elle nous explique ici son travail quotidien pour le soutien des malades, de leur famille comme du personnel soignant dans un service où se joue la dure réalité du cancer.

Handimarseille : Bonjour, Pouvez-vous vous présenter ?

Éliane Schloesser Lheureux : Je suis Éliane Lheureux, je suis sophrologue [1] dans le service de soins palliatifs en oncologie à la Timone. Je pratique des massages bien-être, des soins énergétiques, de l’accompagnement pour les malades et le personnel... Ce sont différentes choses que l’on ne sait pas nommer autrement que par un flou, alors on range tout ça dans la sophrologie.

H : Pouvez-vous nous dire ce qu’est la sophrologie et ce qu’elle permet de traiter ?

E S.L : La sophrologie c’est prendre soin d’une personne de façon positive en faisant ressortir toutes ses ressources par l’intermédiaire du corps, du rapport au corps. C’est créer une nouvelle approche de soi à soi, de façon plus intimiste. La plupart des gens, surtout dans notre service, ont le mental qui fonctionne de manière ininterrompue sur leur maladie dès l’annonce de celle-ci, le travail de sophrologie va permettre de se libérer de ces pensées obsédantes.

La sophrologie contrairement à ce que beaucoup de gens croient, ça n’est pas uniquement de la relaxation. À la première séance, oui, nous faisons des exercices de respiration et de relaxation, mais c’est beaucoup plus que ça.

Pour le patient, c’est surtout, être à l’écoute et entendre ses ressentis en son for intérieur. L’amener à avoir une vision mentale de son corps. Notre corps est à l’image de ce que nous pourrions concevoir si on se regardait intérieurement. Avoir une image de son corps et de l’environnement, de son corps et de l’univers... Au fur et à mesure c’est en expansion.

Il faut savoir que dans la sophrologie il y a énormément de techniques. Il y a une partie d’hypnose Ericksonienne à laquelle j’ai été formée.
Il y a aussi du Qi Gong, du Thai chi, de la méditation... Cela comprend énormément de choses et offre beaucoup de potentialité.

H : Qu’est-ce qui vous a amené à cette pratique ?

E S.L : Je ne dirai pas que j’ai vu de la lumière et suis entrée...
Au départ je cherchais une activité dans le caritatif pour m’investir.
Depuis longtemps j’avais déjà des pratiques de méditation. J’avais repris mes études en médiation religieuse. Dans ce cadre, j’avais réalisé une enquête, dans un service de soins palliatifs. Par la suite, il se trouve que, ce même service proposait une formation d’accompagnement des malades. Cet apprentissage à l’accompagnement m’a amené à rencontrer Éric Dudoit [2] et les membres du service, ici à la Timone. Ils m’ont proposé de rejoindre l’Unité de soins et de recherche sur l’esprit.

J’avais déjà fait des formations en diverses choses, hypnose, massages ayurvédiques, massages bien-être, massage de confort, massage énergétique. C’est ainsi que je suis devenue sophrologue.

J’ai commencé par pratiquer auprès des soignants et petit à petit auprès des patients et de leurs proches. Je me suis de plus en plus investie pour finalement être dépêchée par la Ligue contre le Cancer auprès du service pour faire cet accompagnement.

H : En quoi consistent les soins ?

E S.L : Nous ouvrons des possibilités aux patients par l’intérêt que nous portons aux NDE (Expériences de mort imminente).

C’est un accompagnement de la psyché et du corporel. Nous sommes très à l’écoute de la demande du patient.
Dans un premier temps je vais dans le sens du patient afin de l’entendre et de faire en sorte qu’il comprenne que je l’ai bien entendu.

Je travaille avec le patient à travers le corps afin d’arriver à ce que quelque chose se passe en lui. Quelque chose qui va libérer la parole, lui permettre de s’ouvrir plus facilement. Et si ce n’est pas le cas, il se passe toujours quelque chose, ne serait-ce que par son ressenti intérieur.

Il y a une grande part de travail sur l’imaginaire, sur l’histoire et la demande du patient, toujours en alliance avec lui. Et bien sûr, en tout début de travail, il y a une écoute clinique qui permet d’entendre sa problématique.

H : Comment se passe la collaboration avec le personnel médical ?

E S.L : Il me paraît très important, d’entendre la problématique et la demande de chacun, sans pour autant perdre de vue que nous sommes dans un service hospitalier, qu’il y a toute une équipe derrière moi et qu’en travaillant sur l’esprit, le corps et la spiritualité, rien n’ira à l’encontre de ce qui est exposé par les autres soignants.

L’hôpital n’a pas de créneau pour mon poste, j’interviens en tant que Ligue contre le cancer, ma position est particulière et je me dois de faire preuve de retenues dans mes agissements car j’engage beaucoup de monde.

Pour autant, nous ne sommes pas toujours d’accord. Nous avons parfois des discussions un peu emportées et c’est ce qui en fait la richesse. Cette pratique nous permet d’avancer ensemble pour être un soin de support vraiment efficace pour les patients, leurs familles ainsi que pour les soignants.

L’avantage de travailler dans un tel service, c’est qu’il y a toute une équipe avec moi et en soutien. Éric Dudoit, les infirmières, les médecins, les internes entendent quelque chose du patient et avec cette matière nous pouvons travailler tous ensemble, dans le même sens. De ce fonctionnement là, on en voit surtout du positif. Ça nous pousse à continuer de chercher toujours dans cet esprit de spiritualité qui est primordial.

Les thérapies proposées aux patients fonctionnent très bien.
Ça met une petite goutte d’huile dans un rouage qui marche déjà très bien.

H : Comment se passent les soins et les séances que vous proposez ? Est-ce individuel, dans les chambres, vous vous déplacez à domicile ?

E S.L : J’ai la chance d’avoir du temps pour les patients, je n’ai pas de temps réglementaire, je peux leur consacrer tout le temps nécessaire.

Il n’est pas question de voir tout le monde, il y a beaucoup trop de patients. C’est le personnel soignant qui fait remonter l’information et qui signale qu’un patient est en souffrance ou qu’il a besoin d’être un peu relaxé.

Je ne m’impose pas. Je passe dans les chambres pour du massage de confort, de la réflexologie ou de la relaxation simple. Après, quand j’applique un protocole de sophrologie avec suivi, en fonction de la problématique, des besoins, pour des séances intimes et plus élaborées, je préfère recevoir dans la salle de support de soins s’ils peuvent se déplacer. En soins palliatifs la question ne se pose pas puisqu’ils sont en chambre individuelle.

D’autres fois, si dans la chambre, je sens un niveau énergétique très bas, une dose d’angoisse assez importante, si parmi les personnes présentes, certaines sont particulièrement stressées ou bien s’il s’agit d’une jeune personne avec ses parents ou d’un conjoint, il peut y avoir beaucoup beaucoup de tensions. Dans de tels cas, il m’arrive de proposer une séance, soit les personnes présentes sortent, soit elles restent pour la faire avec nous.
Ça marche très bien, ça leur plaît beaucoup !

H : Comment sont accueillis les soins que vous proposez aux patients ?

E S.L : Lorsque nous avons des patients sceptiques, qu’ils commencent par dire : « non, non, moi je ne crois en rien du tout ! », c’est drôle mais par la suite ce sont ces personnes-là qui sont les plus ouvertes.

Quand j’interviens auprès d’un patient, je me présente à lui vierge de tout, sans aucune arrière-pensée. Chacun a sa propre histoire avec des angoisses, des questionnements et des croyances différentes, ce qui donne une vraie richesse et une créativité permanente.

Pour entrer en contact avec les patients, j’engage la conversation, il y a toujours quelque-chose dans la chambre, des personnes présentes, un livre, une photo, qui me permet d’amorcer la discussion, d’expliquer et proposer ce que je peux faire. Ils ont le choix d’accepter ou pas. En général, pour un massage, de la réflexologie plantaire ou des choses comme ça, c’est souvent bien accepté, il est rare que les gens refusent. Et s’ils ne veulent pas, ça n’est pas grave, je repasse leur dire un petit bonjour de temps en temps et par la suite ça se fait.

Très souvent, ils ne savent pas en quoi consiste la sophrologie, certains pensent que c’est uniquement du massage, il faut savoir que c’est très différent. Il m’arrive aussi de faire des soins énergétiques [3] mais là, c’est pour des personnes déjà plus réceptives. Pour les soins énergétiques, on ne touche pas forcément la personne, il y a très peu de contact. Elle peut parfois se demander ce qui se passe, il ne faut pas que ce soit une source d’angoisse supplémentaire.
Donc, il faut y aller en douceur et proposer cela bien plus tard.

H : Concrètement qu’est ce que ça apporte aux patients ?

E S.L : A priori ça contribue à leur faire du bien puisqu’ils en redemandent, c’est un plus, quelque chose qu’ils prennent à la carte et en fonction de ce que chacun a envie de recevoir. Il y a peut-être des gens qui le font parce que ça les occupe mais le retour en général est bon.

Il faut savoir que ces pratiques peuvent réduire considérablement les anxiolytiques, les antidépresseurs... À condition qu’il n’y ait pas de pathologie psychiatrique installée ou une dépression qui nécessiterait une prescription.

Alors pour le massage, déjà le fait de toucher le corps autrement que de façon sexuelle, de nos jours, au plus ça va moins on se touche, se laisser aller, se défaire d’un poids énergétique, se laisser prendre en charge et écouter son corps et ce qui peut s’y passer peut diminuer les angoisses, les peurs et les douleurs. Il faut prendre conscience de ce que ça peux représenter pour le corps d’être touché sans qu’il y ait d’autre objectif que se laisser aller au bien être.

Quand je masse, je dis : « ne pensez pas à ma main mais ressentez ce qui se passe en vous, ce qui remue, ce qui est fluide, ce qui vous tend... »

Il y a aussi une partie psycho-thérapeutique dans l’accompagnement, nous ne pouvons pas arriver comme ça et mettre les choses en pratique. Dès le départ, je vais penser à tout ce qui pourrait s’élaborer pour le patient, ce qui pourrait lui être proposé, toujours dans cette dimension d’amour et de lumière ! Entrevoir ce qui émane chez lui, ce qui est éteint, mettre en évidence le potentiel ressource qu’il semble avoir et ranimer l’étincelle qui apportera un plus.

La sophrologie c’est aussi, rendre le patient autonome, lui donner la possibilité, tout seul, de refaire des exercices pratiques et très brefs et s’il adhère, nous pouvons aller plus avant. Forcément, dans son esprit quelque chose va cheminer.

Toutes les personnes ont quelque chose en elles qui ne demande qu’à s’épanouir, un peu comme un embryon qui n’arrive pas à grandir.

Propos recueillis par Geraldine Deshais

Notes

[1C’est une technique de soin pour le développement personnel, crée en 1960 par Alfonso Caycedo, médecin neuropsychiatre colombien.

[2Docteur en psychologie clinique et psychopathologie, responsable de l’Unité psycho-oncologie en Soins palliatifs et Responsable de l’Unité de soins et de recherches sur l’esprit, à la Timone

[3C’est un soin qui agit tant au niveau du corps physique qu’aux niveaux émotionnel et mental. Il initie le mouvement et favorise la circulation de l’énergie autant dans le corps physique que dans les corps subtils (émotionnel, mental). Le soin énergétique aide à tous les niveaux, fatigue, déprime et rétablit la bonne circulation de l’énergie.

Voir en ligne : Le Centre National d’Etudes, de Recherches et d’Informations sur la Conscience


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