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Avis médical sur la grossesse à risque

Emmanuelle Campana-Salort est neurologue dans un centre de référence pour les maladies neuro-musculaires et la SLS (sclérose latérale amyotrophique). Elle intervient surtout pour évaluer les risques de transmission de ces maladies pendant une grossesse. Son conseil : s’informer en amont pour vivre cette grossesse le plus sereinement possible et prendre le temps de trouver les solutions les mieux adaptées.

Avis médical sur la grossesse à risque

H : Est-ce que vous pouvez vous présenter ?

Emmanuelle Campana-Salort : Je suis le docteur Emmanuelle Campana-Salort, je suis neurologue dans le centre de référence pour les maladies neuro-musculaires et la SLA à l’hôpital de la Timone à Marseille.

H : Quel est le rôle du service pour lequel vous travaillez ?

E.S-C : C’est un service qui est spécialisé dans les maladies neuro-musculaires. Ce sont des maladies du système nerveux qui regroupent les neuropathies, les myopathies, les maladies de la corne antérieure de la moelle comme la sclérose latérale amyotrophique... Ce sont des maladies rares, mais qui, rassemblées représentent beaucoup de patients. Notre rôle, c’est d’être un centre expert pour le diagnostic difficile dans ces maladies, et également leur prise en charge pluridisciplinaire. Il n’y a pas que des neurologues dans le service, il y a des médecins de médecine physique et de réadaptation, des pneumologues, on travaille avec des cardiologues, pédiatres, psychologues, des kinésithérapeutes, infirmières...On travaille en équipe.

H : Pouvez-vous nous parler de votre travail concernant les personnes en situation de handicap ?

E.S-C : Je vois certains patients qui viennent pour leur diagnostic, quand les symptômes qu’ils présentent ne sont pas encore diagnostiqués. D’autres viennent pour la prise en charge. On donne un traitement si cela est possible. Pour d’autres, s’il n’y a pas de traitements qui permettent de les guérir, on met en place une prise en charge globale avec notamment, une prise en charge en kinésithérapie, une prise en charge sociale, une surveillance des complications.

H : Comment les accompagnez-vous dans leur souhait de devenir parents ?

E.S-C : Je ne peux pas dire que je les accompagne dans leur souhait de devenir parents. On suit beaucoup de maladies génétiques dans le service pour lesquelles il y a pour certaines, en fonction du mode de transmission, un risque de transmission à leur descendance. Notre rôle, c’est d’abord de leur donner une information qui soit la plus claire possible par rapport à ce risque de transmission quand il existe. D’autre part, c’est d’arriver au bon diagnostic pour pouvoir donner un conseil par rapport à la transmission de la maladie qui soit le plus juste possible. Quand le diagnostic n’est pas posé, on ne peut pas conseiller le futur parent par rapport à ce risque-là. Nous discutons aussi avec les patientes du risque de la grossesse pour les femmes qui sont atteintes de maladies neuro-musculaires. Pour ce cas de figure, cela dépend beaucoup de la maladie que présente la personne et du stade de gravité.

H : Vous arrive t-il de devoir dissuader certaines personnes ?

E.S-C : En général, les gens n’attendent pas notre feu vert pour avoir des enfants. Il y a deux cas de figure dans les maladies que l’on suit, il y a des maladies qui sont génétiques et des maladies dont on dit qu’elles sont « acquises » par exemple, les maladies auto-immunes. Dans le cadre des maladies génétiques, une des questions fréquentes des personnes est de savoir si leur enfant risque ou pas d’être atteint. Nous les renseignons par rapport à cela et nous les orientons vers un dépistage prénatal quand cela est possible et que les patients le souhaitent. Dans ces cas-là, les patients sont orientés vers nos collègues généticiens. Ceux-ci ont un rôle clé à cette phase-là et ils apportent des éléments qui sont différents de ceux du neurologue. Ils leur expliquent justement ce que peut être le dépistage prénatal.

H : Les suivez-vous sur toute la durée de la grossesse jusqu’à l’accouchement ?

E.S-C : Cela dépend des maladies sous-jacentes. Il y a des maladies neuro-musculaires qui sont peu sévères et qui ne nécessitent pas de surveillance particulière. Dans d’autres cas de figure, au contraire, on va plutôt conseiller qu’il y ait un encadrement de la grossesse dans une maternité spécialisée où il y ait une réanimation néo-natale, pour que la grossesse et l’accouchement se passent dans un environnement médicalisé. Par ailleurs, certaines maladies neuro-musculaires peuvent être aggravées par la grossesse. On informe aussi les futures mamans de ce risque. S’il doit y avoir une adaptation de traitement, on essaie de programmer la grossesse à un moment où la personne est au stade où sa maladie est la mieux contrôlée et on essaie d’arrêter certains traitements.

H : Y-a t-il des protocoles particuliers de dépistage ?

E.S-C : Il a deux moyens pour connaître le statut de l’embryon. En général, les personnes qui font cette démarche parce qu’ils souhaitent faire un avortement thérapeutique si le bébé est malade. Soit on fait un dépistage prénatal, c’est-à-dire qu’il va y avoir un prélèvement qui va être fait alors que l’embryon est déjà conçu et on va tester son ADN afin de voir s’il est porteur de la même anomalie qu’un de ces deux parents, soit on réalise un diagnostic pré-implantatoire. Pour cette technique, le couple doit concevoir l’enfant par technique de fécondation in-vitro. Une fois que les embryons sont constitués par fécondation in-vitro, ils sont « triés » avant d’être implantés chez la mère, ce qui fait qu’on ne fait pas d’avortement thérapeutique qui peut être traumatisante pour la maman si le bébé est atteint. Mais le temps d’attente pour cette technique variant entre un à deux ans, elle n’est pas toujours celle choisie par les couples. Certains couples choisissent parfois l’adoption quand il y a un risque de transmission important et que les parents ne souhaitent pas avoir recours à un avortement thérapeutique.

H : La transmission de la maladie par les parents s’élèvent à quelle pourcentage ?

E.S-C : Cela dépend du mode de transmission de la maladie, parce que les maladies génétiques peuvent se transmettre sur plusieurs modes. Les maladies de transmission autosomique dominante qui touchent aussi bien les hommes que les femmes et peuvent se transmettre de génération en génération, il y a dans ce cas-là 50 % de risque d’avoir un enfant atteint ; les maladies autosomiques récessives : pour être malade, il faut avoir reçu un gêne muté sur chacun des deux gênes que l’on reçoit et en règle générale, il y a peu de risques de transmission à l’enfant ; et il y a la transmission liée à l’X. Dans ce cas de figure, les femmes transmettent la maladie et les hommes sont atteints car ils n’ont pas d’X de « secours ». C’est pour ça que l’on ne peut pas conseiller les parents sur le risque de transmission, si le diagnostic n’est pas fermement posé.

H : Qu’est-ce qui vous a le plus marqué dans ce travail que vous faites au quotidien ?

E.S-C : Ce qu’il y a en tout cas de plus sympathique, c’est la joie de vivre d’un bon nombre des patients que l’on peut suivre, qui malgré leur handicap, fondent une famille, ont un travail, sont actifs dans leur vie sociale. C’est le beau message de vie que donnent ces patients.

H : Qu’est-ce qui est le plus difficile dans ce travail ?

E.S-C : C’est d’annoncer des mauvaises nouvelles et de ne pas avoir de solutions de traitement à apporter à ces personnes que l’on suit. L’impuissance est difficile.

H : Quel message aimeriez-vous faire passer aux lecteurs d’Handimarseille ?

E.S-C : Mon message en tant que médecin, ce serait qu’avant de démarrer une grossesse, il faut prendre tous les renseignements disponibles si possible, pour être guidé aussi bien dans les décisions à prendre que dans le suivi de cette grossesse.

H : Merci.

E.S-C : Merci à vous

Propos recueillis par Yoann Mattei


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