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Un feignant comme les autres

Entretien avec Jérome Miller.

Jérôme Miller, 33 ans, est atteint depuis la naissance d’une forme de polyo qui touche tous les muscles inférieurs. S’il se déplace aujourd’hui en béquilles, c’est que sa mère s’est battue pour qu’il ne finisse pas en fauteuil, faute de rééducation intensive. Pour elle, comme pour lui aujourd’hui, il est essentiel de ne pas être mis à l’écart de la vie "normale"...

Un feignant comme les autres

HandiMarseille - Est-ce que la cause de votre handicap aurait pu être détectée et traitée ?
Jérome Miller - Il y a des chances... En fait en 1976 lorsque je suis né, on ne diagnostiquait pas aussi bien que maintenant tous les problèmes de santé qu’il peut y avoir. J’avais la possibilité d’être en fauteuil mais ma mère me l’interdisait ! Chaque fois que je voulais en prendre un, elle me disait : « non, tu vas apprendre à marcher ! » Donc j’ai eu un appareillage qui montait jusqu’au bassin, pendant des années des chaussures orthopédiques qui pesaient des tonnes, c’est 1,5 kg par godasse. Déjà , quand on est gamin c’est dur, alors imaginez avec ça ! Donc, quand on peut les enlever, on est content... Et maintenant, j’arrive à me déplacer assez facilement, à faire plein de choses comme une personne valide. Au niveau scolarité, j’ai toujours eu des "adaptations" parce que les gens faisaient attention.

H - Vous avez donc été scolarisé en milieu ordinaire ?
J. M. - Tout à fait. Je n’ai jamais été dans des classes spécifiques adaptées comme par exemple celle de la Grotte Roland. Ces classes sont particulières, elles sont entre autres destinées aux personnes en fauteuil. Moi je ne connais pas ce côté-là du handicap, j’ai été totalement intégré dans des classes ordinaires. Quand il fallait passer des examens par exemple, j’avais la possibilité de demander des adaptations de temps, on a droit en fait à 1/3 temps en plus par rapport au handicap, mais je les ai toujours refusées.

H- Et les épreuves d’éducation physique ?
J. M. - J’étais complètement dispensé.

H - Pourtant on intègre les personnes handicapées dans cette discipline, à présent, y compris au bac...
J. M. - De toute façon, les profs ne me voulaient pas du tout dans leur classe !

H - Ce n’était pas durement ressenti (même si à cet âge on est content de sécher un cours) ?
J. M. - Non parce que lorsque j’étais plus jeune, je venais de temps en temps aux cours pour aider le prof s’il en avait besoin sans participer aux épreuves.

H - Vous étiez dans quels établissements au collège et lycée ?
J. M. - J’ai vécu en région parisienne pendant 20 ans. Pourtant je suis né à Marseille, mais à l’époque au niveau médical c’était mieux développé là -bas, en plus ma mère travaillait en région parisienne. Donc j’ai fait toute ma scolarité en àŽle-de-France.

H - Vous étiez donc en milieu ordinaire dès la maternelle ?
J. M. - Tout à fait. De la maternelle au secondaire.

H - Il a fallu orienter le choix des établissements ou le premier venu convenait ?
J. M. - Tout s’est passé normalement, comme tout élève en fonction des bulletins.

H - Pourtant des établissements ont beaucoup d’étages ou d’escaliers...
J. M. - Surtout à partir du collège, car généralement au primaire tout est au même plan. Mais dans tous les cas, je prenais mon temps, c’est sà »r que je ne les monte pas aussi vite qu’une personne valide.
Lorsque j’ai passé mon bac pro de comptabilité au lycée Colbert des Catalans, ils refaisaient le lycée et je sais qu’ils avaient mis en fonction un ascenseur. Initialement, il était réservé aux personnes du service administratif et aux professeurs mais ils donnaient un accès aux personnes handicapées. Je sais qu’ils accueillent des non-voyants, des personnes en fauteuil électrique. Donc ils intègrent.

H - Il y avait une bonne solidarité avec vos camarades de classe ?
J. M. - Oui, si j’avais un problème, j’avais toujours des collègues de classe ou d’autres classe, avec qui je discutais, qui me filaient un coup de main. Il n’y a jamais vraiment eu de méchanceté, j’ai tout de même eu droit à des petites blagues mais je n’en tenais pas compte.

H - Quel étaient vos rapports avec les professeurs ?
J. M. - Normal. Après au niveau scolaire, c’était autre chose ! J’étais un petit feignant...

H - Le fait que l’on vous traite de "petit feignant" démontre que vous étiez considéré comme les autres ? Sans infantilisation excessive...
J. M. - Oui mais c’est surtout parce que c’était la vérité : j’étais feignant, je le reconnais !
J’ai redoublé une première fois parce que j’ai eu des problèmes de santé liés à l’état du handicap et une autre fois parce que je ne travaillais pas. J’ai donc fait un bac pro comptabilité en trois ans, je l’ai eu, puis je n’ai pas continué mes études. J’ai tout de même voulu poursuivre en BTS, en alternance en milieu classique, je n’ai pas tenu plus d’un an, je n’étais pas motivé et je n’avais pas de bons résultats.

H - Comment cela se fait que vous étiez mauvais élève ? Étiez-vous trop couvé ?
J. M. - Pas du tout, au contraire ma mère me motivait pour que je me bouge.

H - Si globalement votre scolarité s’est bien passée, que pouvez-vous dire sur le fonctionnement scolaire vis à vis des personnes handicapées ?
J. M. - Je ne comprends pas qu’on veuille enlever les auxiliaires de vie qui aident les enfants handicapées qui souhaitent s’intégrer. Cela veut donc dire que ces mêmes enfants seront refusés pour une scolarité en milieu ordinaire, on les met à part. On parle d’intégration mais en même temps, on met ces personnes à part.

H - Cela veut dire revenir sur la loi de 2005...
J. M. - Qui est un remaniement de la loi de 1975, qui n’est toujours pas appliquée à 100 % alors qu’en 2015, elle devrait l’être !

H - Est-ce que vous avez orienté vos études par rapport à votre handicap ?
J. M. - Pas du tout, comme je le disais je n’étais pas un grand bosseur et le choix qu’il me restait était restreint. C’est ma mère qui m’a dit de tenter la comptabilité. Maintenant, je vous avoue que je ne me verrais plus comptable. Travailler dans un bureau, être secrétaire ou agent administratif ne me dérangerait pas, par contre.

H - Pensez-vous que de la part des professeurs et des responsables des établissements, il y a un désir d’intégrer ?
J. M. - Il doit y avoir un désir mais c’est surtout une obligation et une contrainte.

H - Et vous, par la suite, professionnellement ?
J. M. - C’est toujours le même problème, il y a eu des sociétés qui m’intégraient bien comme n’importe quel autre stagiaire ou salarié puis d’autres me sortaient un discours incohérent comme "on ne va pas pouvoir car on n’a pas de poste de travail de libre". Pourtant derrière un bureau, je suis comme n’importe qui !

H - Surtout que vous ne nécessitez pas, par votre état, un aménagement spécifique...
J. M. - Non c’est ce que je leur dis. Bon c’est sà »r qu’il ne faut pas me faire monter 4 ou 5 étages...

H - Pourquoi alors autant de réticence pour vous embaucher ?
J. M. - Une fois, pour un stage en alternance, j’explique mon cas dans les détails par téléphone à un futur employeur. Il me convoque pour un entretien. Avant même de commencer, je sentais que son regard était lourd. Après m’être présenté, il me dit qu’en fait il va avoir du mal à me débloquer un poste de travail pour 3 jours/semaine, je voyais qu’il hésitait... alors que cette société a un immeuble pour elle. Je lui ai alors demandé quel était le problème, est-ce que cela venait de mon handicap ? Il a bien évidemment nié, il cherchait à détourner le problème.

H - Pourtant, cette société aurait pu être lourdement sanctionnée...
J. M. - Oui, une société de plus de 20 salariés a dans l’obligation d’employer des personnes handicapées à hauteur de 6% de sa masse salariale. Mais de nombreuses boîtes dévient l’obligation en basculant les personnes qui ont des petits accidents, aux conséquences temporaires, dans la case des personnes invalides.

H - Finalement, avez-vous réussi à décrocher un emploi ?
J. M. - Il y a eu quelques endroits où j’ai pu bosser. J’ai eu aussi des sociétés personnelles, par exemple dans le transport à mobilité réduite et un magasin de livres d’occasion au Centre Bourse. Depuis, je ne bosse plus ; ce qui me permet d’être bénévole un peu partout. J’ai des aides, comme l’allocation handicap, qui n’est pas énorme... Je ne touche pas le chômage vu que j’étais gérant, Bref ça rame énormément. Heureusement, j’ai la chance d’être propriétaire grâce à ma mère, donc ça soulage.

H - Peut-on supposer que dans l’éducation les mentalités sont plus ouvertes que dans le milieu professionnel ?
J. M. - Il y a des chances, en même temps cela permet d’ouvrir un petit peu les mentalités à côté de ça. Si la personne est intégrée en scolarité, pourquoi ne le serait-elle pas dans le monde de l’entreprise et pourquoi ne le serait-elle pas ailleurs ?

Propos recueillis par Karine Miceli et Emmanuel Ducassou.


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