L’art d’exister
Pratiques artistiques et handicap
Lorsqu’il lui avait été demandé d’évoquer le lien entre art et handicap, Marcel Jullian, homme de lettres et de télévision, avait répondu : « À bien y regarder, c’est en arts mieux qu’ailleurs que ce qu’on appelle un handicap peut constituer une chance. Dans le domaine très vaste de la création, il n’y a justement que la différence qui compte. » Outre l’ensemble d’interrogations qu’une telle déclaration peut soulever, elle est intéressante au titre qu’elle pose frontalement la question de l’art, du handicap et de la différence.
Cependant, nous constatons que les personnes handicapées ont une participation à la vie artistique inférieure à la moyenne.
Alors de nous questionner... Quelle est la nature des difficultés d’accès des personnes handicapées à l’art et à la culture ?
Quels effets bénéfiques accorder à la pratique d’un art pour la personne handicapée en particulier ?
Comment considérer l’artiste handicapé, en ce qu’il a de particulier et de singulier, sans jamais le mettre à la marge, sans jamais franchir la ligne de la stigmatisation ?
Et de vous proposer quelques débuts de réponses...
Quelle est la nature même des difficultés d’accès des personnes handicapées à l’art et à la culture ?
- Manque d’information et méconnaissance globale du sujet
L’état des lieux dressé par la commission nationale culture et handicap révèle qu’un des principaux freins de l’accès des personnes handicapées à l’art et la culture réside dans un manque d’information et de communication, à tous les niveaux (institutionnel, associatif, personnes handicapées...), ainsi qu’entre tous les acteurs.
La nature même des difficultés d’accès des personnes handicapées à l’art et à la culture est mal connue.
Ce déficit d’information concerne la nature de leurs pratiques artistiques et leurs difficultés, mais aussi l’ouverture des équipements culturels aux personnes handicapées.
Qu’en est-il de la représentation du handicap, quelle réactivité de l’offre spécifique et quelle fréquentation des lieux de pratique et de spectacle ?
La méconnaissance réciproque du milieu culturel et du milieu des personnes handicapées reste un obstacle à l’amélioration de l’accès aux pratiques artistiques.
- Non-intégration dans le tissu socioprofessionnel
Autre frein : il touche à l’accès à la formation et aux métiers en vue d’une professionnalisation. Les personnes handicapées ont, en effet, du mal à s’insérer dans les professions culturelles et artistiques.
S’agissant du statut des artistes handicapés : les difficultés rencontrées par les artistes sont souvent amplifiées par la situation de handicap. L’acquisition du statut d’artiste est loin d’être une évidence pour les personnes en situation de handicap en institution spécialisée ou en structure d’accueil.
- Déficits en termes d’aménagements structurels et de soutien financier
En Île-de-France, par exemple, malgré des avancées remarquables ces dernières années, « moins de 5 % des offres culturelles semblent présenter une accessibilité complète » ; rapport du Cemaforre (Centre national de ressources pour l’accessibilité des loisirs et de la culture) paru en 2008. La région PACA ne peut pas se prévaloir de meilleures statistiques.
L’accueil au sein des lieux de pratiques artistiques amateurs de proximité (conservatoires, écoles d’art, MJC, lieux de culture intermédiaire, etc.) à titre individuel ou de groupe reste encore trop souvent un challenge pour les personnes handicapées et leurs familles.
« Les actions entamées par les villes ne sont pas à la hauteur de l’enjeu d’accessibilité de la France pour 2015. Le manque d’incitation de l’État laisse les acteurs de terrain dans des difficultés inextricables », dénonce l’Association des paralysés de France (APF), qui publie un état des lieux du niveau d’accessibilité des communes.
Mais, comment tenir compte de la diversité des handicaps ? Cela a un coût qui ne peut être supporté par un milieu de la création de projets et de supports artistiques, déjà en proie à de grosses difficultés financières.
Comment supporter également le discours tenu par certains jusqu’au-boutistes de la reconnaissance de la diversité et de l’égalitarisme sans limites ? Comment peut-on lire, sur le site d’une association chargée de la promotion d’artistes handicapés, la question suivante : « Comment intégrer sans tomber dans la normalisation et la négation de la singularité ? » et n’espérer pour unique réponse que la mise en œuvre des principes d’égalité républicains. Là, on marche sur la tête.
- Manque de reconnaissance / ghettoïsation
Quand on exerce un art, quels que soient les freins qui nous handicapent, on est un artiste avant tout. Alors pourquoi parler d’artistes handicapés ? N’est-ce pas, littéralement, une manière de les mettre à la marge ?
Comment ne pas se réjouir de l’existence d’un festival comme Art et Handicap ? Et sans vouloir jeter la pierre un seul instant sur des gens et des structures qui œuvrent pour la reconnaissance du talent d’artistes handicapés, n’est-il pas triste de lire sur la page d’accueil du site consacré à ce festival : « On aurait tendance à enfermer la personne handicapée dans une non-accessibilité à la créativité, à l’art en général. Il suffit pourtant, en proposant un terrain propice, d’aider au jaillissement de cette sève créative ». Mais enfin, le terrain propice à l’expression d’un talent artistique, soit-il valide ou non, est la scène tout court. Faire une scène et n’y réunir que des artistes handicapés, c’est déjà réduire une personne à son handicap. Cette démarche, aussi louable soit-elle, ne participe-t-elle pas au phénomène de ghettoïsation ?
Au-delà de cette considération, les partenaires menant une action de terrain en faveur du développement des pratiques artistique des personnes handicapées souffrent d’un manque de reconnaissance. Ils ont souvent des difficultés à trouver les soutiens attendus.
Il demeure, à l’évidence, le problème de la reconnaissance du travail effectué : difficultés, notamment celle de réussir à obtenir une reconnaissance du travail, du projet artistique dans le milieu culturel et artistique. Mais, le travail effectué ne doit pas seulement être considéré comme un travail social et inversement, il est nécessaire que le domaine médico-social reconnaisse l’enjeu artistique de cette démarche.
- Préjugés et a priori
Le handicap nous interroge sur nos relations aux autres. Comment recevons-nous ces personnes ? Comment acceptons-nous de les intégrer dans notre imaginaire et envisager ainsi une réalité autre ?
Le thème des représentations collectives et individuelles du handicap est un sujet prégnant dès lors que l’on aborde la question du handicap. Nous l’avons abondamment évoqué lors de notre dernier dossier Le regard des employeurs sur les personnes handicapées.
Cette réalité est tout aussi évidente lorsqu’il s’agit d’évoquer le regard de la société, en général, sur les artistes porteurs d’un handicap. Cette réalité touche à la métamorphose du regard, aux représentations du handicap, aux forces et faiblesses de l’image.
Au refus, des uns, de l’idée et de la notion même d’art fondé sur le handicap, il est possible d’établir un parallèle avec les qualités et les potentialités des personnes handicapées : sensibilité, simplicité au sens de vision épurée etc.
Si pour certains, il n’existe pas d’art fondé sur le handicap, il n’en demeure pas moins qu’on ne compte plus les ouvrages d’anthropologues, psychanalystes, historiens de l’art... prétendant établir la relation et l’évidence d’un art fondé sur le handicap. À l’exception peut-être d’ouvrages traitant de l’art des personnes handicapées mentales, l’ensemble de ces écrits traite en fait de la représentation et des conceptions du handicap véhiculées dans et par les œuvres d’art : qu’il s’agisse du nanisme dans l’Espagne du siècle d’or (Vélasquez), de la représentation des corps « extrêmes » dans l’art contemporain (entre l’animal, divin et humain...), de l’infirmité mise en scène par les peintres et sculpteurs, ou de l’exposition de photographies sur les gueules cassées de la Grande guerre (1914-18).
Ces créations s’inscrivent dans le cadre théorique qui définit et situe les arts des personnes handicapées, à la marge : on y parle d’art brut, d’art populaire, naïf, d’Outsider Art...
Il est intéressant, de ce point de vue, de constater que même dans le milieu de l’art et de la culture, tout le monde n’est pas en reste dès qu’il s’agit d’avoir des préjugés et autres a priori, voire une certaine inclination au voyeurisme.
Sans trop s’éloigner du sujet qui nous concerne, et ce sera peut-être l’objet d’un « dossier du mois » à venir, il est nécessaire de préciser que le monde du handicap n’est pas exempt, lui aussi, de son cortège de préjugés, et souffre par là même d’une forme de ségrégation en son sein, entre handicapés physiques et handicapés mentaux.
- Manque de lisibilité quant à la pédagogie adaptée
Le milieu associatif et culturel, en charge de la promotion des pratiques artistiques pour les personnes handicapées, fait, et ce d’une manière presque unanime, la claire distinction entre pratiques artistique et art-thérapie. Il convient donc d’éviter toute confusion et de préciser le sens de chacune.
De prime abord, et sans vouloir froisser ceux qui insistent pour que la distinction soit clairement faite, nous n’avons pas relevé de différences fondamentales. À y voir plus clair, ces différences touchent essentiellement au statut professionnel qui engage les structures et les acteurs de l’art-thérapie ainsi qu’à la finalité, disons médicale d’une telle initiative. Sophie Dalmon, présidente fondatrice de Nucleus, nous résume clairement la situation : « L’art-thérapie, c’est une discipline, codifiée, médicalisée. C’est un métier en soi. La pratique artistique ou le développement personnel médiatisé, c’est simplement donner l’accès à l’expérience. Dans l’art-thérapie, les thérapeutes vont faire une grille d’évaluation, vont tirer des conclusions etc. Nous, notre métier ce n’est pas ça. Notre métier, c’est donner l’accès à une pratique, à une expérience, donner des moyens, donner des pistes, mais en aucun cas nous avons la prétention, ensuite, d’en tirer des conclusions. »
(voir rubrique « Quelques éléments de réflexion » : Arjuna / Documentaire : renaissance rendue possible par la force de l’amour d’une famille exceptionnelle et par une approche thérapeutique alternative...)
Les réponses apportées. Les acteurs et actions / buts et objectifs
Réponses apportées par les pouvoirs publics :
Créée par le décret du 7 février 2001, la Commission nationale culture-handicap s’est réunie officiellement, pour la première fois, le 23 mai 2001 autour de Catherine Tasca, alors ministre de la Culture et de la communication, et Ségolène Royal, ministre déléguée à la Famille, à l’Enfance et aux personnes handicapées.
Cette Commission avait pour mission de « faciliter l’accès à la culture des personnes handicapées, quelle que soit la nature de ce handicap ». Elle proposait des mesures en faveur de ceux qui souffrent d’un handicap, pour l’accès aux équipements, à la pratique artistique, à la formation et aux métiers de la culture, etc. Y ont siégé : le ministère de la Culture et le secrétariat d’État chargé des personnes handicapées, les principales associations de handicapés, ainsi que le « milieu culturel et artistique ».
Nous pourrions vous présenter la liste (interminable) des mesures qui ont été débattues, entre deux petits fours au Salon Vendôme du George V ; nous nous contenterons de souligner que ces mesures visaient à combler les carences, à répondre aux freins que nous avons évoqués plus haut. Dans leur ensemble, elles concernaient les thématiques suivantes : information, intégration dans le tissu social et sur les lieux des pratiques artistiques en amateur, accès à la formation et aux métiers en vue d’une professionnalisation, statut des artistes handicapés, aménagements culturels.
Vous pourrez accéder à la liste exhaustive de ces mesures sur le portail ministériel concerné [1].
Il n’est pas dans notre intention de tourner en dérision l’action politique en général (c’est d’ailleurs par la loi de février 2005 que le gouvernement est parvenu à faire bouger les lignes), ni de cette commission Culture-handicap, en particulier. Il est néanmoins permis de souligner les écueils inhérents à la forme et à la structure mêmes de ce type de réponse politique : souvent pour traiter (enterrer) un problème, les gouvernements nous ont habitué à mettre en place des commissions, chargées de créer des groupes de travail visant à mener une réflexion, en concertation avec les institutions concernées (...) le tout en vue de parvenir à un plein accord, indispensable à l’avancement de tel ou tel programme et à l’arrivée, on a pu légitimement avoir le sentiment que beaucoup de vent avait été brassé et qu’on ne savait plus qui avait mal et où il avait mal.
Il était donc nécessaire de trouver l’information et les documents permettant de mesurer aujourd’hui l’avancée réelle (entre ce qui a été préconisé et ce qui a été mis en place) de toutes ces mesures gouvernementales. Nous devons avouer que la communication officielle sur ce sujet a été plus que discrète...
Tout juste pouvons-nous évoquer un article paru en octobre 2010 sur le site de l’Apajh (Association pour adultes et jeunes handicapés), intitulé : « La Commission nationale culture-handicap sort de son sommeil » ; ce qui donne un peu la mesure de l’intense activité dont a fait preuve cette commission.
La multiplication récente des communiqués ministériels, semble préciser une prise de conscience du retard accumulé et une volonté d’accélérer le mouvement... à moins de deux ans du grand rendez-vous électoral.
Ainsi, à cinq ans de l’échéance légale sur la mise en accessibilité des établissements recevant du public le gouvernement mène une course contre la montre. Pour rattraper le retard de la France, Nadine Morano a inauguré l’Observatoire de l’accessibilité, destiné à faire avancer ce chantier colossal. Un air de déjà vu...
L’APF (Association des paralysés de France) relève tout de même des avancées : « 86 % des théâtres municipaux ouverts au public sont aujourd’hui accessibles. »
Les réponses apportées par la société civile, le monde associatif et autres organismes.
Évoquer le monde associatif et le travail de fond effectué à cette échelle nous permet de mesurer des actions concrètes, de mesurer les difficultés vécues au quotidien pour la pleine intégration de tous dans la Cité. C’est aussi évoquer les gens que nous avons rencontrés, qui nous ont parlé de ce qui les anime, mais aussi ceux dont nous n’avons pas pu, faute de temps, recueillir le témoignage [2]. Il n’est bien sur pas possible d’évoquer ici toutes les initiatives, vécues au quotidien et sur le terrain. C’est pourquoi nous donnons la parole à ces femmes et à ces hommes, dans le cadre des entrevues que nous avons réalisé et que vous pouvez retrouver dans ce dossier.
Comment en construisant un projet culturel, redonner aux personnes en situation de handicap leur place dans le Cité, afin de mettre en œuvre une intégration réussie ? Et quelle contribution apporter à cette noble initiative ?
Sans détailler au cas par cas les contributions apportées, il est possible de noter que l’ensemble du monde associatif participe à ce dessein en développant les actions suivantes :
apporter un soutien logistique à la mise en place de projets artistiques ;
_ créer un collectif d’associations nationales et internationales pour réunir les savoir faire et les moyens ;
favoriser les échanges et mutualiser les initiatives culturelles innovantes, c’est entre autres une des actions qu’a mis en place l’association Voyons voir, dans le cadre de son partenariat avec le CRP de Richebois, (voir entrevue) ;
donner un espace d’expression (expos, théâtre...), et valoriser la création artistique par le soutien à la diffusion des artistes émergents ;
faciliter l’accès aux pratiques artistiques pour tous, et communiquer sur le handicap par l’art ;
promouvoir la création de nouveaux liens sociaux au cœur de la Cité ;
favoriser la mixité des échanges, promouvoir la diversité sous toutes ses formes (voir entrevue Nucleus) ;
créer un fichier ressource d’artistes, ce sera l’objet de la création du Centre culture et handicap, à Marseille, par l’association Nucleus.
(voir rubrique « Quelques éléments de réflexion » : Benda Bilili (Le nom du groupe signifie « Au-delà des apparences ») : saga handicap ! / documentaire étonnant qui devrait ébranler les conventions, les émotions et la musique. L’histoire d’un groupe de musiciens congolais paraplégiques...)
Et pourtant les vertus de la pratique d’un art pour une personne porteuse de handicap sont nombreuses et particulièrement remarquables.
- L’art et le développement des sens
Les pratiques artistiques, de par la variété des supports d’expression qu’elles proposent, permettent de travailler sur l’éveil sensoriel, et par là même, de compenser un sens devenu déficient, par le développement d’autres sens.
Ainsi, pour compenser une déficience visuelle ou autre, réveiller son odorat permet d’évoquer des espaces, de déterminer une gamme de couleurs.
L’odorat fait appel aux leviers les plus profonds de la mémoire.
Développer le toucher par la sculpture, voire la peinture, permet d’appréhender les volumes, les matériaux, la lumière, les vibrations. C’est également, par la concentration qu’il requiert, un exercice propre à susciter l’apaisement général.
La musique, celle des mots aussi, est le véhicule intense des émotions. Comme les odeurs, les mots peuvent ouvrir les portes de tous les univers.
(voir rubrique « Quelques éléments de réflexion » : Snooks, un documentaire sur le chanteur et guitariste Fird "Snooks" Eaglin. Aveugle de naissance, il a mémorisé tout ce qu’il entendait à la radio... au point qu’on le surnommait "The Living Jukebox"...)
- Processus d’apprentissage et effets bénéfiques des pratiques artistiques.
L’art créateur de savoir ? L’art qui canalise et construit
Quand on parle d’accès aux savoirs par la pratique artistique, il convient de préciser de quels savoirs il s’agit. L’expression d’une pulsion artistique spontanée et l’apprentissage d’une technique artistique sont deux domaines qui font appel à des ressources psychologiques et à des ressorts cognitifs et pédagogiques distincts.
L’expression artistique, en elle même, n’est pas synonyme d’accès aux savoirs, aux savoirs instruits, il s’entend. Elle peut par contre requérir l’apprentissage de techniques, de règles et d’une certaine forme de discipline.
Pour des publics en souffrance et dont les dysfonctionnements d’ordre physique, psychique, conduisent à des troubles de l’expression, de la communication, voire à des troubles relationnels (comportements violents, inhibition, difficultés d’apprentissage), l’accent peut être placé sur la créativité, sur le plaisir d’entreprendre, et d’apprendre les règles des métiers.
- L’art promoteur d’équité et de diversité. L’art, intégrateur social et professionnel.
La pratique artistique permet de révéler les artistes mis en marge de la scène culturelle, du fait de leur handicap ou de toute autre forme de stigmatisation.
Cela permet de créer un espace d’expression commun afin de réduire les catégorisations et les cloisonnements, et provoquer par la même une occasion de vivre ensemble.
L’accès à l’art et à la culture pour tous, c’est aussi donner la possibilité de découvrir l’art sous toutes ses formes, d’aller à la rencontre de notre patrimoine, par l’ouverture des ateliers sur le monde extérieur (expos, spectacles, festivals, ateliers tout publics...). Mais aussi par la simple intégration professionnelle, comme le démontre la troupe permanente du Théâtre du Cristal, qui emploie à temps plein des comédiens en situation de handicap mental ou psychique. Notons que des structures de ce type sont quasi inexistantes dans le sud de la France.
Rappelons enfin que l’art est un moyen extraordinaire de communiquer et de combattre les préjugés qui créent l’isolement.
- L’art comme exutoire, l’art vecteur de vie et de partage
L’art est un moyen d’expression qui rend la vie supportable.
« Le clown » - Paul Melki
Le rire emporte la fragilité de mon corps,
Petit acrobate du handicap,
Toujours à la recherche de l’équilibre
Si naturellement désaccordé.
Et au moment fatidique,
Quand la chute paraît inéluctable,
Devant l’angoisse partagée,
Le clown apparaît,
Resplendissant.
Et d’une bouche écartelée,
D’un revers irraisonnable,
Il éclate de rire
Pour balayer ses larmes et saisir,
Dans une petite goutte d’éternité,
L’insoutenable beauté
De la vie.
Parce que supporter l’insupportable, l’est encore plus quand on se sent seul ; et que l’art est aussi un vecteur de vie et partage.
« Avec l’amour, l’amitié et la fraternité d’action, l’art est le plus court chemin d’un homme à l’autre. » Claude Leroy, La main heureuse.
(voir rubrique « Quelques éléments de réflexion » : en référence documentaire : Albédo / docu-fiction : David Marvin, photographe et archiviste, tourmenté par la surdité et la maladie, s’est donné la mort en 1975...)
- L’art créateur d’émotions et d’intelligence
L’ensemble des pratiques artistiques touche au monde du sensible, celui des sens et des sensations. Cet univers des sens a longtemps été opposé à celui de la connaissance et des savoirs, seulement perceptible par une puissance intellectuelle. Celle qui permettait l’accès à une « réalité intelligible » (cf l’Allégorie de la caverne de Platon).
Ce postulat, souvent incompris et à la sentence trop définitive, est aujourd’hui néanmoins dépassé. Il est en effet largement acquis que la création d’un univers sensoriel suscite des émotions, or les émotions développent l’intelligence. Il a certes fallu attendre le développement assez récent des techniques d’imagerie cérébrale pour en avoir la confirmation, mais d’autres bien avant, en avaient eu l’intuition.
Pour conclure, si le handicap exprime une déficience vis-à-vis d’un environnement, que ce soit en termes d’accessibilité, d’expression, de compréhension ou d’appréhension, comme le souligne la loi du 11 février 2005. Il s’agit plus d’une notion sociale que médicale.
Cette déficience n’est pas fictive, c’est une réalité que vivent les personnes porteuses d’un handicap au quotidien, dès lors qu’elles expriment, aussi, le besoin et le désir de vivre comme tout un chacun : trouver du travail, se déplacer, se loger, pratiquer un loisir, une activité artistique...
Toutefois, poser la question de la déficience dans le cadre de la création artistique, nous laisse perplexe...
Un artiste crée une œuvre, cultive ou maîtrise un art, un savoir, une technique. Cette œuvre est source d’émotions, de sentiments, de réflexions, de spiritualité ou de transcendance. Et le spectateur de remarquer entre autres la poésie, l’originalité de cette production, la créativité, la qualité de l’acte, du geste.
Si de plus nous nous en référons à la citation de Jean Lurçat : Une œuvre d’art, c’est un monceau de cicatrices. Alors, non seulement le handicap disparaît, et loin d’être un frein, il serait un atout.
Ceci soulève une question d’ordre plus général. Toutes les œuvres artistiques sont empruntes de déterminismes, néanmoins, le propre de l’artiste est justement sa capacité à s’affranchir de ces mêmes déterminismes, à les transcender. Alors, pourquoi parler d’artistes handicapés ?
Gilles Deleuze, considère que le génie, « c’est celui qui sait faire de tout le monde un devenir. »
Laissons nous rêver d’un monde où les initiatives aujourd’hui utiles et louables comme exposer des artistes handicapés au sein d’un festival spécifique n’auront plus lieu d’être...
Article rédigé par Ugo Chavarro
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